~ De la nécessité de construire un pont entre Recouvrance et Brest ~

 

1 - Droit et Devoir Féodal

 

Pendant presque trois siècles , les droits de passage étaient perçus par leurs possesseurs,  jusqu'au XVIII siècle. Un grand nombre de titres auraient été concédés par les Duc de Bretagne.

Le droit de passage pouvait s'appliquer a tout le parcourt du bras de l'aber Penfeld. Payable en nature, il consistait en une gerbe de bled d'avoine à recevoir annuellement de chaque feu ou ménage, soit noble, soit roturier, des paroisses de Plouzané, Quilbignon et Guilers, et en dix deniers monnayés payablesannuellement, par chaque ménage  du bourg de Sainte-Catherine (Recouvrance), le tout à la condition que le propriétaire du droit de passage entretienne des bateaux en nombre suffisant pour assurer le passage des piétons, des bestiaux et des denrées. plus tard, la quête annuelle s'étendit aux paroisses de Guipavas, Gouesnou et Lambézellec.

 

2 - Quelques faits notables:

 

Au cours du XVII siècle après cession des droits et fermage, le nombre de navires ne cessa de décroitre ce qui motiva un courrier de l'intendant Desclouzeaux au ministre de la Marine, qui précise les circonstances de l'accident du 18 avril 1689 coûtant la vie a 32 personnes. C'est la première fois qu'un projet de pont flottant est demandé par le Maréchal Destrées.

Autre accident majeur, alors que les habitants de Recouvrance se rendaient à Brest pour se joindre a la procession du voeu de Louis XIII à laquelle ils étaient tenus d'assister, soixante d'entre eux se noyèrent.

Le 17 mai 1692 le sénéchal impose un règlement et des tarifs, qui seront adaptés au gré du bon vouloir des bateliers malgré l'intervention de la police .

Une nouvelle loi sur les droits féodaux du 25 août 1792 supprime les droits de passage. Cependant en faveur de l'anarchie du temps, des particuliers établissent des liaisons par bateaux et perçoivent des redevances arbitraires. Les accidents si fréquents au siècle précédent se reproduisent.

 

3 - En résumé:

 

du XV au XVIII siècle le passage de Recouvrance à Brest qui semblait réaliste par  bateaux ( digne de ce nom) était  une aventure hasardeuse qui provoqua la mort d'un bon nombre de personnes.

En cause un système féodal a bout de souffle et des abus divers.

 

~Naissance d'un Pont~

 

1 - Les phénomènes en présence et/ou induits qui ont permis l'élaboration d'un projet de pont entre Recouvrance et Brest:

 

 - Un système Féodal qui semble simple mais au final complexe de part la transmission des charges , la dilution des responsabilités, le trop grand nombre de paroisses concernées.

- La mauvaise gestion, anarchie quand au règlement des passages ( voire pas de paiement)

- la mauvaise qualité des navires et des bateliers.

- La concurrence déloyale et les redevances arbitraires.

- Les accidents entraînants la mort des passagers.

- L'interaction entre les mouvements des vaisseaux et la batellerie en Penfeld.

- Assurer la jonction de la route nationale 12 et la gare a la porte du Conquet.

- Reconstruire une partie des vieux quartiers a proximité .

 

2 - Les projets:

 

En 1831 MM.Huyot, architectes de Brest proposeront de construire à leur frais, moyennant péage un pont flottant. La commission réunie à Brest émit un avis défavorable ( entrave aux mouvements des vaisseaux et perturbations des mouvements des eaux  entraînant des sédiments). Plus tard il fut question d'un pont porté avec arche mobile (modèle d'Anvers) ce modèle souleva de graves objections.

L'impulsion d'un projet de pont était donné.

les habitants de Recouvrance adressent une pétition et un mémoire  au Ministre de la Marine début 1836 ou ils demandent l'établissement d'un pont.

M. Trotte de la Roche, directeur des travaux hydrauliques, présenta un avant projet de pont suspendu avec canal latéral qui ne satisfait pas les exigences du service du port militaire.

Les Brestois proposèrent également des projets , pont flottant pivotant sur des points fixes de Mr Touboulic en 1838. M. Kermarec présenta à l'exposition des produits de l'industrie de l'arrondissement de Brest, divers projets de pont.

M. Vincent, imagina un tunnel qui aurait passé sous la Penfeld ( l'Armoricain 7 avril 1842)

Aucun des projets ne fut considéré comme susceptible de satisfaire.

M. Tristchler, architecte de Brest, présenta au conseil Municipal, le 3 décembre 1843, un projet de 2 ponts fixes en maçonnerie, reliés à un pont suspendu avec un tablier placé a 15m au dessus du niveau de la haute mer et un passage de 20m s'ouvrant a volonté dans le tablier.Le ministre des travaux publics décida qu'il n'y avait lieu à donner suite.

M. Vincent  présenta son projet de pont flottant a 2 reprises en février 1844

M. Touboulic conçut, en 1848, un nouveau projet consistant en un pont tunnel flottant avec une voie ferrée pour les chevaux et les voitures. La dépense totale d'après l'auteur aurait été d'environ 100 000 francs.

M. Bizet maire de la ville de Brest depuis 1848 convia le conseil municipal à demander que la route nationale 12 fût prolongée jusqu'à la porte du Conquet, en passant par la rue de Siam. Cette perspective suggéra trois nouveaux plans , M. Michel (pont a arche fixe en charpente d'une seule travée) M. Lecorre et Eastwood, ingénieur a Landerneau.

Présenté par M. de Lacrosse au prince président, M. Tritschler reçut un accueil flatteur et un budget fut élaboré.

Deux nouveaux projets de MM Cadiat, architecte, et Oudry ,ingénieur des ponts-et-chaussées et l'autre de Mr Mary, inspecteur divisionnaire de ce corps s'ajoutait a celui de M. Tritschler.

Une enquête administrative ou 4000 votants se prononcèrent en faveur du projet de M. Tritschler.

Pendant ce temps M. Rossel, sous-agent comptable de la marine imagina un pont flottant à tablier a niveau constant ( un flotteur entrainait un câble qui passait sous le tablier et le maintenait toujours a la même hauteur).

Le 1er mai 1854, Son excellence mit un terme a toutes les incertitudes en se prononçant pour le projet Cadiat et Oudry

 

sachant que le conseil municipal  malgré tout adopta le projet.

Ce qui n'empêcha pas de nombreuses difficultés administratives , et ce fut le 19 janvier 1856 seulement que le Ministère des travaux publics approuva le cahier des charges.

La décision ministérielle semblait avoir pour conséquence le commencement immédiat des travaux.

Des difficultés d'un autre genre que les précédentes les firent ajourner. Des débats d'intérêts entre les associés, MM.Cadiat et Oudray d'abord, MM. de Bourmont et Oudry ensuite, difficultés qui eurent pour résultat d'écarter M. Cadiat de la société, et de remplacer, en qualité de concessionnaire, M. de Bourmont par M. Schneider qui s'est exclusivement chargé de fournir et de poser la partie métallique du pont, exécuté dans ses ateliers du Creuzot. Confié à M. Pradel, attaché à cet établissement.

Pour les travaux de maçonnerie et pour ceux des abords du pont, M. Schneider a sous-traité avec une compagnie dont le directeur  a été M. Le Tessier de Launay. Une somme de 2,100.000 fr a été accordé par l'état et 700.000 par la ville.

Trois années étaient fixées pour l'achèvement des travaux. Commencés vers la fin de 1856, sous la surveillance et la direction de M. Caradec, ingénieur des ponts et chaussées de l'arrondissement, ils n'ont pu être terminés qu'au mois de juin 1861.

Unique en son genre, le Pont Impérial, c'est le nom que lui a fait donner la reconnaissance pour l'Empereur qui en a décrété la construction.

 

Visite du chantier par l'Empereur en 1858

Le Pont Impérial réunit, malgré ses proportions colossales, le triple mérite de la solidité, de la légèreté et de l'élégance.

 

3 - Inauguration:

 

Inauguré le dimanche 23 juin 1861en présence de M.Mercier, curé de l'église paroissiale de Saint-Louis , le Préfet du Finistère .

Le pont était envahi par une foule impatiente et incertaine de ce qu'elle devait le plus admirer, ou du Pont lui-même, ou du spectacle imposant qui s'offrait à son regard. Au nord, le port militaire avec ses navires pavoisés, ses édifices étagés sur une ligne se perdant à l'horizon, ses vastes ateliers; au sud, la rade; à l'ouest et à l'est, les deux côtés de la ville groupés en amphithéâtre sur les collines que traversent ses rues, remplies ce jour-là, de milliers de spectateurs accourus de loin pour être témoins d'une fête dont ils devaient emporter un souvenir inoubliable.

 

Ceci est le témoignage écrit par P.LEVOT

Conservateur de la bibliothèque du port de Brest

référence au livre La Ville de Brest avant 1789 Le Pont Impérial en 1861

BREST LIBRAIRIE DE J.B ET A. LEFOURNIER

86 Grand rue 1862

 

Prosper Jean Levot communément appelé Prosper Levot ( Brest 14 décembre 1801 - 3 février 1878), est un bibliothécaire et historien, auteur de nombreux livres sur l'histoire de Brest, de la Bretagne et de la Marine.

 

Les projets et le pont ont traversé une histoire riche et tourmentée, de la Monarchie de juillet, le second empire, plusieurs républiques pour disparaitre sous les bombardements en 1944

A partir de 1870 Le Pont Impérial devient Pont National ( appelé communément le Grand Pont).

 

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Le pont se compose de deux volées tournantes. La longueur totale du pont entre les deux volées est de 105m70, et celle de chacune des volées de 52m85 reliées entre elles par des verrous en fer forgé.

Le poids de chaque volée est de 750T. Un cabestan placé sur le tablier assure la rotation des volées par l'emploi d'engrenage et de roulements à rouleaux sur les articulations. Quatre hommes suffisent à la manoeuvre qui dure environ 20 minutes.

La hauteur du tablier du pont au-dessus du niveau des hautes mer des vives eaux moyennes est de 21m70 en son milieu.

La solidité de l'ouvrage a été éprouvée par une charge de 300T de fonte, placés, à dessein, d'une manière inégale, afin de rendre l'épreuve plus efficace.

A propos de l'auteur: Un passionné du vieux Brest et de l'histoire maritime.